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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/239

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LES CIVILISATIONS

temps des citoyens ; et cette dépense est elle-même fertile en dépense ; il en résulte inévitablement le plus grand des malheurs et la ruine pour tous. On l’a vu, on le reverra, si César ne change point d’humeur. Voilà ma plainte ; c’est la plainte de beaucoup. Mais il faut payer. Je ne suis point seul, et je ne vivrais point seul. Les citoyens semblent contents, si j’en Juge par le journal qu’ils lisent. S’il leur plaît donc que nous nous ruinions à menacer et à défier, si ce jeu leur plaît, si ce risque leur plaît, je n’ai qu’à suivre. Mon droit est de me plaindre ; je me plains. Mon devoir est de payer. Payons.

Quel bonheur de coopérer. Quel bonheur de payer l’impôt lorsque le beau nom de contribution lui convient. De cette division du travail, de ces hommes qui ne font qu’une chose et la font bien, quels services élégants et prompts. Ces balayeurs, ces agents aux voitures avec leur bâton blanc, ces pompiers impassibles, ces machinistes, ces aiguilleurs, ces actifs messagers, ces surveillants et ministres de la vie commune, comme il est agréable de les payer en services et de les payer en argent. Voici que cet autre percepteur frappe à ma porte, équipé pour le travail utile qu’il accomplit sous les yeux de tous, gagnant l’amitié de tous. Il est cordial ; il sourit ; il tend la main, non point d’abord pour recevoir, mais pour promettre. Son souhait n’est pas un vain souhait ; car, autant qu’il dépend de lui, l’année qui vient sera paisible ; les rouages seront bien ajustés et glisseront sur l’huile ; les roues ne grinceront point. Ainsi je pourrai être attentif à ce que je fais, comme lui à ce qu’il fait. En cela nous sommes amis, et précieux amis l’un pour l’autre. L’échange des souhaits et la

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