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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/26

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INTRODUCTION

conscience et estime la légèreté plus coupable : un mot comme celui de Viviani : « Les nerfs de l’Europe étaient à bout » lui semble d’une inconscience criminelle dans la bouche d’un homme d’État. Et surtout Alain, qui est le contraire d’un démagogue, ne dissimule pas aux citoyens que leur responsabilité d’électeurs et de responsables pour une part de l’opinion publique, a été lourde elle aussi. On m’a conté qu’à des moments pénibles du front il répliquait aux plaintes de ses compagnons de misère : « Mais vous avez eu assez de plaisir : vous avez crié Vive l’armée ou Vive l’Alsace-Lorraine. Il faut que cela se paye ; il faut mourir. » Beaucoup ne pardonneront qu’à l’engagé volontaire cette impudence à la Socrate. Aucun parti ne voudrait la prendre à son compte, car l’essence d’un parti est de chercher des partisans, et on ne les obtient pas en parlant si rudement aux citoyens de leur devoirs.

Quant aux idées d’Alain sur le régime économique, groupées ici pour la première fois, leur opposition complète à toutes les théories existantes ne les empêche pas d’être simples et claires :

Chercher le rendement, non la puissance, cette idée semble de simple bon sens. Ce qui la rend plus aiguë, c’est la remarque qu’aujourd’hui la guerre — ou la concurrence commerciale qui est une espèce de guerre, ou la vanité du consommateur qui est encore la guerre, nous entraînent directement dans le sens opposé. L’industrie de l’automobile et celle de l’aviation nous en offrent à chaque instant des preuves

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