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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/33

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PROLOGUE D’AVANT-GUERRE

mands ont bien pu surprendre. Et voilà une explication suffisante de la loi militaire allemande, sans qu’il soit nécessaire de supposer quelque projet d’attaque spécialement contre nous.

Il fallait répondre ? Soit. Mais de la réponse dépendait justement l’avenir de la paix européenne. Des fortifications défensives, de nouvelles périodes d’instruction pour les réserves, un gouvernement appuyé sur les forces de gauche, dont la politique est connue, tout cela aurait marqué un certain relâchement des alliances, un tassement vers un nouvel état d’équilibre, un rapprochement sans parole, sans recul, sans aucune déchéance, tout en nuances, comme il était naturel, après que le conflit marocain se trouvait réglé. Voilà pourquoi cette volonté obstinée à proposer les trois ans, sans atténuation et même sans discussion réelle, a été une faute, si elle ne recouvre pas d’immenses projets, redoutables quelle qu’en soit l’issue. Notre politique est imprudente jusqu’à l’aveuglement, si elle veut sincèrement être défensive. Mais qu’en dire si elle est offensive par ses secrètes espérances ? Qu’en dire si nos hommes d’État, soutenus par la droite, croient réellement à une renaissance française caractérisée par des négociations sans contrôle, par le pouvoir despotique, par la tyrannie des bureaux, des aristocrates et des grands Banquiers, par la résistance aux forces démocratiques, par l’écrasement du peuple ?

19 juin 1913.
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