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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/39

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PROLOGUE D’AVANT-GUERRE

jeu des alliances, isoler de nouveau l’Allemagne, et faire sonner de nouveau l’épée française dans les négociations européennes. S’ils ont de tels projets, oui, ils ont cent fois raison de ne pas recommencer les folles imprudences de l’Empire, et d’avoir une forte armée aux frontières, pour appuyer leur politique. Seulement, pour la clarté des débats, c’est sur cette politique qu’il faudrait alors discuter. Or, j’aperçois dans les discours guerriers une mauvaise foi insupportable. Car ils disent : « Nous n’avons point de projets contre qui que ce soit ; nous ne songeons qu’à la défense ». Mais enfin, peut-on soutenir que l’Empire, en 1870, ne songeait qu’à la défense ? Et peut-on accuser les républicains d’alors d’avoir compromis la défense, alors qu’ils s’efforçaient seulement de paralyser une politique ouvertement agressive ? Et n’en sommes-nous point à présent à peu près au même point ? Pour moi, ce qui me paraît redoutable dans la loi de trois ans telle qu’elle est faite, c’est qu’elle va pousser les diplomates à reprendre les anciens projets de Delcassé, pourtant désavoués solennellement par la République.

Et laisserons-nous passer toutes ces falsifications de l’histoire ? Laisserons-nous dire que l’Allemagne nous a attaqués en 1870, alors que le rusé Bismark en fut réduit à manœuvrer, en profitant des passions de la cour impériale française, qui lui étaient connues, de façon à nous faire déclarer la guerre, et à mettre les peuples allemands dans le cas de défendre le sol national ? Cela ne fait-il pas voir clairement que si nous avions suivi, à ce moment-là, la politique purement défensive que l’on met en avant maintenant, la paix était assurée ? Il faut dire et répéter que les

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