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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/48

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

Quelle ambiguïté dans tous les discours que nous avonsDANS
L’ENGRENAGE.

Quelle ambiguïté dans tous les discours que nous avons entendus sur l’amour de la patrie ! On le voit bien maintenant puisqu’il est clair que nous avons perdu entièrement la direction de notre politique, et que nos mouvements de guerre dépendent entièrement des passions slaves. Et, bien pis, dans cette menace internationale, la France se trouve soupçonnée, malgré toutes les dénégations, et non sans apparence de raison, d’attendre l’occasion d’un conflit européen pour prendre enfin sa revanche. Et cette masse de troupes armées à notre frontière prend alors, dans cette politique dont nous voyons les immenses replis, une signification bien claire. Par la situation géographique, par l’armement, par le naturel des deux peuples, par la force de l’histoire, il peut arriver que, pendant qu’à l’Orient du grand champ de bataille on en sera aux laborieuses préparations, à notre frontière la catastrophe se précipitera ; nous aurons peut-être cinquante mille morts ou blessés quand les autres en seront aux transports d’armées.

Il se peut que l’issue nous soit favorable. On peut même soutenir, si l’on prend la revanche par les armes, comme fin, que les circonstances sont plus favorables qu’elles n’ont jamais été. Mais la vraie question est de savoir si la Nation a choisi une telle politique, ou si elle y a été amenée malgré elle par des déclamations ambiguës. Or, toujours, on nous a présenté les plus lourds sacrifices de temps et d’argent comme représentant les conditions strictes de la défense du territoire. Toujours on nous a laissé

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