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LA GUERRE NAÎT DES PASSIONS

ÊTRE FRANÇAIS.
C’était un de ces Français effrontés qui pensaient et disaient que l’imbécile politique des trois ans nous menait à la guerre. L’événement lui donna raison, mais donna aussi raison à l’autre parti ; d’où l’on voit que l’expérience n’instruit pas. Toujours est-il qu’il bataillait en ce temps-là, seul dans un cercle arrogant animé d’un furieux respect. « Voilà bien mes Français », dit-il, sur quelque sortie où la vanité nationale se montrait ingénuement. Un vieil alsacien, fidèle entre les fidèles, ne supporta point cela ; son visage devint rouge comme la crête du coq emblématique : « Apparemment, Monsieur, dit-il, de ces Français vous n’en êtes pas. » Mais le grand diable blasphémateur prit du vent et se mit à rire.

« Monsieur, dit-il, vous ne m’offensez point ; je suis bien tranquille là-dessus et n’en ai point le choix, ayant cette qualité que vous dites en inaliénable propriété. Non moins que ce pied, trop prompt souvent à botter les insolents, est moi-même en ses passions et en tous ses mouvements. Aussi ne puis-je point

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