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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/69

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LA GUERRE NAÎT DES PASSIONS

et le sommeil des victimes, par la surprise, par la confiance commune enfin. Cependant il n’est pas un citoyen bien pensant qui ne se défie jour et nuit de l’Allemagne, des Soviets, et même de l’Angleterre. Remarquez que le même homme fera commerce à l’étranger sans avoir la main sur son revolver, et se fiera à des traites sur Francfort ou sur Londres ; mais il veut pourtant une armée forte pour surveiller ces honnêtes gens là. Ayant donc payé ses impôts, envoyé son fils à la caserne, et suffisamment médité sur les Nouvelles, il se roule dans sa couverture et s’endort, toutes portes ouvertes, dans une machine roulante et bruyante, à travers les campagnes endormies, sans aucun gardien. Le lendemain il lira le récit de l’agression à laquelle il a échappé par hasard ; il apprendra que les bandits courent toujours, et cela ne l’étonnera pas ; il verra que notre ambassadeur a parlé ferme, ici ou là, et il sera content. Avouez que voilà un homme bien gardé.

Si tous les citoyens valides devaient à la fonction de police seulement le quart du temps qu’ils sacrifient à la défense nationale, il y aurait partout des postes de vigilance, aussitôt triplés à la première alerte par les hommes de réserve. Sur un simple message téléphoné, aussitôt des cavaliers, des cyclistes, des fantassins de police entassés dans des camions automobiles, se déploieraient en un cercle de cent kilomètres de rayon ; aucun être humain ne franchirait ce barrage sans être examiné de près ; et quand on retiendrait jusqu’au jour tous ceux qui viendraient se prendre au filet, ce ne serait pas un grand mal.

De même, si l’on savait que les bandits sont dans

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