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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/83

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LES HYPOCRISIES DE LA GUERRE

sible. » « Comment ? dit alors le chef lointain. Tous les autres groupes ont réglé leur tir. À quoi pensez-vous donc ? » Le commandant passa par toutes les couleurs ; son visage exprima la surprise, la stupeur, le doute, le regret. La brume couvrait tout le secteur, et il n’est pas douteux que toutes les pièces tirèrent à l’aveugle, comme firent les nôtres. Mais l’homme qui n’avait point su mentir assez tôt faisait figure d’ignorant. Aucune enquête ne prouvera qu’un brouillard est resté impénétrable depuis le matin jusqu’à quinze heures. Le fait est que la briqueterie que l’on visait apparut la même après le tir, quand le brouillard fut levé ; mais cela arrive aussi quand on y voit clair ; l’artillerie ne touche pas où elle veut, si ce n’est dans les rapports d’artilleurs. De telles anecdotes, et tant d’autres, plus tragiques, ne font qu’éclairer le possible, si elles conduisent à remarquer quelques traits de la nature humaine, confirmé par les observations de chacun ; mais c’est d’après l’idée que l’on se fait du possible du commun, de l’humain, qu’on les juge vraies ou fausses. Ce qui étonne n’instruit jamais.

D’après les travaux de la Société d’études documentaires, L’HYPOCRISIE DES
GOUVERNANTS.

D’après les travaux de la Société d’études documentaires, on voit se dessiner le Grand Procès où la Ligue des Droits de l’Homme devrait jouer le rôle de ministère public. Chacun sait que le 30 juillet de l’année quatorze, à quatre heures du soir, heure russe, la Russie mobilisait, devançant l’Autriche de plus de vingt heures, devançant l’Allemagne et la France de plus de cinquante heures. Il est naturel de

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