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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/88

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

Un ami me disait hier : « Vous savez que Demartial, Gouttenoire, Ermenonville et d’autresSI L’HOMME D’ÉTAT
PEUT AVOIR DES NERFS.

Un ami me disait hier : « Vous savez que Demartial, Gouttenoire, Ermenonville et d’autres, enfin ceux qui mènent l’instruction du Grand Procès, ont des preuves écrasantes. Il ne manque que des éditeurs. Quand la vérité sera au jour il se fera une grande Révolution, sans aucune violence, dans les esprits seulement, mais qui changera heureusement l’avenir politique.» On verra bien. Toute lumière est bonne ; et celle-là surtout. Mais dès maintenant, sur ce sujet-là, je puis dire trois choses.

La première est que la responsabilité d’un Chef d’État et d’un Ministre doit ici être présumée ; c’est à eux comme on dit de faire la preuve. Ils étaient aux affaires quand le cyclone humain s’est produit. N’ont-ils pas pris pour eux, comme une couronne, la gloire militaire et les provinces reconquises ? S’ils croient que tant de morts, de souffrances et de ruines soient justifiées et effacées par la Victoire, tant mieux pour eux ; ils peuvent dormir. Mais devant ceux qui refusent de justifier de tels moyens par aucune fin, ils sont accusés ; et, comme on dit : « Les morts pendent à leur cou comme des meules de moulin. »

En second lieu, je veux dire que la défense est faible. Personne ne nous a encore rapporté les entretiens de Pétrograd tels qu’ils auraient pu être, si notre politique avait pris pour fin de maintenir la paix. J’imagine aisément ce qu’aurait pu dire au despote oriental quelque négociateur moins soucieux de faire parade du courage des autres que de ménager le plus beau sang humain. « J’ose conseiller la pru-

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