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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/90

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

tions russes, qu’elle les approuvait ; qu’elle traita sans faveur ceux qui signalaient d’avance la tragique aventure dans laquelle nous risquions d’être entraînés ; qu’elle fit confiance, au contraire, à tous les diplomates, français ou russes, qui annonçaient et même préparaient l’Occasion. On suppose que, si cette preuve est faite, l’esprit public chez nous écartera résolument des affaires non seulement ceux qui ont poussé la barre de ce côté-là, mais aussi ceux qui les éprouvent, et jusqu’à ceux qui, par les lieux communs, par le ton, par l’allure même, s’annoncent comme leurs dignes successeurs. Grande Révolution en effet. Mais je vois qu’elle est faite.


« Circulaire recommandée. Le premier jour CELUI QU’IL FAUT
ACCUSER.

« Circulaire recommandée. Le premier jour de la mobilisation est le dimanche 3 août. » Je ne crois pas que ceux qui ont lu cette affiche blanche en oublient jamais le contenu ; mais la forme même de cet ordre effrayant mérite attention. L’Administration y a mis sa marque. L’État se montre ici sans visage, comme il est ; en sorte qu’on ne trouve point ici de colère, ni même de gravité ; ce n’est qu’une note de service, qui s’adresse cette fois à quelques millions de fonctionnaires, tout citoyen en âge de servir étant fonctionnaire. C’est à peu près comme si on nous avait dit ceci : « Pour des raisons d’ordre administratif, et conformément à trois mille six cents circulaires antérieures, la plupart confidentielles, toutes les libertés sont suspendues, et la vie des citoyens âgés de moins de cinquante ans n’est plus garantie. » Non point un chef, mais des milliers de

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