Aller au contenu

Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monde, est encore moins aisée à supposer dans les œuvres de l’art, dont le mouvement et les formes ont au contraire quelque chose de réglé et de fini qui nous détourne d’idolâtrie. Un temple grec n’a point de dedans ; il annonce que son marbre n’est que du marbre ; et la poésie elle-même, et surtout la musique, montrent par d’autres moyens ce même grain et ce même cristal homogène. Pur objet, et tout au dehors ; ce qui ne cesse pas de purifier nos passions ; mais sans cesser aussi de les réveiller ; comme si, dans ce cas remarquable, nous étions mis en demeure de revenir à nous. Et la légende, par cela seul qu’elle est invariable, soumet encore nos folles pensées à la règle de l’objet, c’est-à-dire à une sorte d’expérience. Mais, en revanche, par le retour d’une émotion mesurée et comme goûtée, l’invisible redouble de présence. Et parce que l’expérience est toute faite, nous perdons tous les moyens d’investigation, ou plutôt nous les exerçons à côté, comme