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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/35

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encore plus, l’expérience fait voir que le langage national se sépare aussi, par une coutume locale ou professionnelle d’abréger et d’accentuer ; en sorte qu’il faut aller aux racines pour retrouver l’homme. On sait que les institutions ne cessent de s’opposer à ce changement, disons même à cet écroulement perpétuel des langues. Mais surtout les grandes œuvres poèmes, discours, histoires, mémoires, traités, ramènent ceux qui ont des lettres à une manière d’écrire et par suite de parler, qui impose une audience de cérémonie. C’est ainsi que le dialecte ionien a survécu par Homère ; c’est ainsi que Montaigne, Sévigné, Voltaire, Montesquieu, et tant d’autres, ont conservé le beau langage, et nous sauvent à chaque instant de notre bégaiement propre et d’abord de notre gazouillement d’enfance, que nous imposons si naturellement à nos proches. Que cette puissance des œuvres dépende ici donc vérité plus explicite, ou si l’on