Aller au contenu

Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il en est autrement dans quelque pays lointain, ou qu’il en fut autrement dans les temps passés ; comme si une existence aussi absurde était désirable ; comme si l’homme avait jamais pu vivre sous le pouvoir des enchanteurs et des fées. Et puisqu’en aucun pays les biens ne viennent sans travail, puisque l’expérience confirme toujours cette règle, je me suis demandé longtemps, disait Socrate, d’où l’on pouvait avoir formé de telles fictions, jusqu’au jour où la plus vieille des nourrices m’a raconté, d’après des récits de récits, la condition dans laquelle se sont trouvés autrefois tous les hommes, et d’où leur sont venues les folles idées de la faveur, de la chance, et de la prière, idées dont ils n’ont jamais pu se délivrer tout à fait. Cette nourrice très vieille racontait donc que les hommes vécurent autrefois parmi des géants qui leur ressemblaient, mais qui étaient bien plus puissants qu’eux, de façon que ces géants avaient toujours