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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/43

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en réserve du pain, des fruits, du lait et tout ce qui peut soutenir la vie, et par des moyens qui vraisemblablement ne leur coûtaient guère, car ils en donnaient à qui savait leur plaire. Et pareillement ces géants transportaient fort vite les hommes ici ou là, pourvu qu’on en fît demande comme il convenait. D’où il arrivait que les hommes ne pensaient jamais à travailler, ni à marcher, ni à se construire des voitures ou des barques ; mais plutôt ils étaient tous naturellement orateurs, occupés seulement à observer ces géants, à deviner ce qui pouvait leur plaire ou leur déplaire, à leur sourire, ou quelquefois à les importuner de larmes, ou seulement à prononcer des mots qu’ils exigeaient, et qu’il fallait bien exactement retenir, sans qu’on pût jamais comprendre tout à fait les changements d’humeur de ces géants, leurs refus bourrus, ni leurs soudaines complaisances. Et si quelque homme, en ce temps-là, avait essayé de se donner à