Aller au contenu

Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin une sorte d’initiation solennelle à l’erreur. Sans compter que le vrai des sentiments n’en est nullement altéré. Au contraire l’idée que les causes extérieures n’ont jamais de puissance que par la méchanceté de quelqu’un est certainement de nature à fortifier le courage par l’indignation ; et toujours est-il que la pensée se trouve alors reine au milieu des choses, ne reconnaissant d’autre mal que celui dont il lui arrive de se repentir. Tel est sommairement le jugement d’enfance, qui n’est sans doute que l’hier de toutes nos pensées. Et parce que l’erreur est la forme de la découverte qui suit, l’idée fausse étant conservée en même temps que dépassée, l’oubli est la loi de l’enfance ; j’entends que le souvenir y est nul, quoique la mémoire y soit fidèle et sans faute. Nous poussons notre enfance devant nous, et tel est notre avenir réel. En ce sens on peut dire qu’un esprit qui connaîtrait l’objet sans aucune erreur ne connaîtrait rien du