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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/75

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choses ; mais je vois que cette idée reste dans les nuages de l’évidence abstraite, et ne peut trouver son contenu, faute d’une analyse assez serrée des conditions réelles sous lesquelles nous inventons des dieux. Que l’homme et surtout l’enfant voient partout des hommes et des volontés d’homme et des caprices d’homme, ce n’est vrai qu’en gros ; et, si l’on regarde de près, ce n’est pas vrai du tout. L’enfant, de même que l’homme, ne voit jamais que le monde comme il se montre, et le monde se montre comme il doit, je dirais même comme il est. Mais le discours, qu’il soit récit, poésie ou prière, fait un autre monde, de choses, de bêtes, et d’hommes, et de tout ce qu’on peut nommer ; un monde qui n’apparaît jamais. La magie ne peut pas plus aisément évoquer un homme qu’une forêt. Le lien magique n’est pas d’un homme imaginaire aux choses qu’il nous donne et nous enlève ; il est du mot à la chose invisible et à l’homme invisible ; et cette présence que