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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/74

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Le réel de l’imagination est toujours dans quelque mouvement de notre corps ; il ne peut être autre. Mais finalement l’art de nommer et d’appeler occupe toute la scène, et le jeu évocateur se porte tout vers l’avenir, aussitôt passé. Toutes les ruses du récit vont à nous occuper seulement de ce qui arrive, et le double sens de ce mot est très remarquable. Ce qui arrive dans le récit est toujours ce qui va arriver. L’annonce est notre création ; et l’entraînement est la loi de poésie, qui veut dire création. Cette magie est apprise, et par l’expérience. On s’étonnerait moins des faiseurs de pluie, qui nomment la pluie, qui l’imitent par le bruit et la mimique, avec l’espoir de la faire paraître, si l’on remarquait qu’il y eut un temps où nommer était la seule manière, ou la principale, de faire paraître les enchanteurs, et, par eux, les choses désirées. Ce que l’on exprime sommairement en disant que c’est à travers le monde humain que nous percevons d’abord toutes