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Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/83

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préfet fut un penseur très positif. Il remarqua qu’on ne connaît comme monde réel que ce que l’on se donne par l’effort volontaire. Par exemple, explorer la faible odeur par des aspirations volontaires, c’est la faire dépendre de nous, et en même temps connaître qu’elle ne dépend pas de nous. Le toucher de la main éclaire aussitôt cette première pensée. Car recevoir un choc, ce n’est toujours que se sentir soi ; on ne connaît alors que son propre sentiment. Mais il en est tout autrement si l’on explore un corps dur, par exemple un bureau de sous-préfet. Car, selon les mouvements volontaires, on peut se donner, et de nouveau se donner, une impression plus ou moins émouvante, depuis frôler jusqu’à appuyer, et retrouver tous ces événements sensibles selon une règle de mouvement et un effort qui dépend de nous. Par quoi le monde se recule de nous, et commence à prendre existence. Et bref, ce qui fait l’existence, ce n’est pas le paraître,