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Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/11

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PREMIÈRE LETTRE

les hommes. Il n’en manque pas qui ont peur des idées, je dis même en géométrie, ce qui se voit par un continuel refus de construire, utile par l’exemple, car il faut savoir douter, mais finalement stérile. Il n’y a point de ligne droite au monde sans la volonté de penser, et c’est la première chose qu’il faut savoir. J’ai souvent réfléchi sur cet ouvrage d’un ancien dogmatique dont nous ne connaissons que le titre : « Contre ceux qui croient qu’il y a des idées vraies et des idées fausses », et j’étais bien jeune quand je rêvai de l’écrire ; mais que peut-on écrire d’autre ? Les quatre tempéraments régissent les pensées de tout médecin depuis au moins deux mille ans ; mais qui croit que le bilieux existe, ou le sanguin ? Pareillement qui croit que le despotisme existe, ou la monarchie, ou la démocratie ? Ce seraient des pédants épais ; mais ce n’est point par là que