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Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/12

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LETTRES D’ALAIN

l’on se trompe ; et ceux que j’ai connus bien doués et bien partis n’avaient pas à se défendre de cette manière d’errer, mais plutôt d’une autre, opposée, qui était de n’oser point se fier aux idées après cette remarque qu’aucune idée n’est vraie. Non point faible pourtant cette droite que rien ne peut fléchir, non point faibles ces triangles de notre initiation, qui étaient égaux ou semblables par décret, et non autrement ; et qui, soutenus, soutenaient ; aussi, non soutenus, tombaient. J’approche tout soudain de mon sujet en disant que les esprits faibles sont ceux qui manquent de courage, disant que nos idées ne sont que conventions et commodités, ou bien de simples abrégés comme voulait Leibniz. De tels esprits n’avancent point. Et ce beau mot d’avancer m’avertit ; car penser c’est avancer ; et cela relève du courage.