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Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/19

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DEUXIÈME LETTRE

l’amour. Mais puisque ces jeux dépendent à leur tour de l’imitation, de l’occasion et même du costume, nous voilà redescendus bien au-dessous du pinson. Ces sentiments sans consistance aucune et qui naissent et meurent comme les reflets de la gorge du pigeon, seraient mieux nommés émotions. Dans le fond cette existence qui attend d’éprouver, sans diriger ni décréter, ressemble à celle des fous. Cette pensée choquante vous est certainement venue plus d’une fois, par la comparaison que vous n’avez pas manqué de faire entre ces affections instables, qui dépendent de l’occasion, et la mélancolie d’un fou, qui dépend seulement des humeurs, et change avec les globules. Et comme c’est la générosité qui manque le plus au fou, de même il faut dire que ces émotions errantes, filles d’ennui, sont toujours marquées de l’odieuse idée fataliste, ce qui fait que les