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Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/21

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DEUXIÈME LETTRE

l’humeur. Les vrais poètes l’ont senti, qui font voir la constance jusque dans les retours réglés de leurs chansons ; mais les poètes de second ordre ne savent pas faire tenir ensemble le sentiment et la règle, et ainsi manquent les deux ; et c’est pourquoi j’ai accusé d’abord les poètes.

Pour aujourd’hui je m’arrête à cette idée qu’il n’y a point de sentir sans quelque fidélité. Dont nous voyons, et vous surtout, une sorte d’imitation inférieure, mais encore humaine, dans ces souffrances en partie imaginaires, si bien prévues et attendues, on oserait dire désirées, et qui portent en ce sens la marque de l’esprit. Les moines de l’Inde savent bien que si l’on se détournait de prévoir et de se souvenir, les douleurs même organiques, en réalité elles le sont toutes, se réduiraient ou presque à ce point du présent qui sans cesse