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Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/29

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TROISIÈME LETTRE

telle pensée ne saisit rien, c’est plus que métaphore, ou plutôt, c’est rentrer dans le vrai par la métaphore, condition humaine, inéluctable, que l’histoire des beaux-arts nous rappelle assez. Suivons donc cet homme qui fait l’ange, et qui laisse son corps à la pâture. Puisque le corps humain ne peut cesser de subir un seul moment, et puisque l’âme y est toujours tellement attachée que les deux, au vrai, ne sont qu’un, il est inévitable que notre penseur soit importuné, impatient, crispé, tendu par des défenses mal suivies et par des décrets oubliés. Ce penseur grimace.

J’ai l’opinion, qui est de tous, que la timidité est la mère des passions ; entendez bien ce mot passion comme il le veut, d’après son origine ; j’ai sans doute assez expliqué que le vrai sentiment est plutôt action que passion. Or la timidité est cet état d’impuissance devant