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Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/30

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LETTRES D’ALAIN

un corps où la pensée ne redescend que par aventure, comme la police dans les mauvais lieux. Et c’est en effet un scandale dont le penseur ne peut se consoler, si le corps s’affole dès que l’on attend de lui quelque chose. C’est trouver en soi-même l’inimitié, la trahison, tout le danger possible. Le vertige n’est que peur de soi, et la timidité est un genre de vertige, que l’attention redouble. D’où mille maux ; d’où une vie maladroite et étranglée. Que tout cela soit ainsi faute de gymnastique et de musique, comme disait Platon, c’est ce qui est évident au premier examen.

Je sentis mieux cette réconciliation de l’âme et du corps sur la planche d’escrime que sur les livres, et par l’enseignement d’un vieil Alsacien, sorte de chat maigre, et qui pensait par le bouton de son fleuret. Par la sévérité de cet homme vif, je connus quelquefois le