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Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/41

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QUATRIÈME LETTRE

Le mal au doigt en est la suite, et prompte ; car cette première exploration, et d’autres, plus prudentes, font reconnaître sans tarder que les mouvements du doigt et de l’autre main sur le doigt redoublent l’alerte ou l’apaisent. Ainsi le sentiment total est aussitôt orienté et comme rassemblé vers cette pointe d’aiguille. Ainsi le maniement du mal le réunit en un point, non sans erreurs ni illusions, comme vous savez, et les amputés le savent encore mieux. Et j’irai jusqu’à dire, en vue de joindre l’âme au corps, qu’il y a de l’indignation en toute douleur, et que l’orgueil du penseur humilié s’y retrouve, comme dans l’amour. Seulement il y a cette différence que, dans les troubles de l’amour, nous ne trouvons point ce lieu où la douleur peut être maniée et sollicitée ; il faut chercher au dehors.