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Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/87

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NEUVIÈME LETTRE

le chemin de la récompense au mérite. Car, hors de l’état de grâce, on ne peut rien faire de bon, et grâce est bonheur ; tout le monde comprend ce que c’est qu’heureuse expression et heureuse entreprise ; mais il faut mériter d’abord la grâce, quoique la grâce achève le mérite. Cette querelle est belle, parce qu’elle fait voir que le raisonnement ne peut pas la terminer, ni aucune. Mais celui qui sait lire y lit encore que l’amour qui conquiert est lui-même conquis, et que le salut ne commence Jamais par grâce reçue. Ainsi, selon la condition humaine, le bonheur suit le courage, mais précède l’œuvre ; l’œuvre est la récompense du bonheur et comme son reflet. En sorte que c’est bien l’heureux qui est musicien, comme la musique l’annonce, et aussi l’heureux qui est juste, comme Platon l’a osé dire. Et le même Platon nous porte encore, heureux