Aller au contenu

Page:Alain - Lettres à Henri Mondor, 1924.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LETTRES D’ALAIN

lui-même et poète avant d’être sage, disant par mythe qu’Amour est fils de Pauvreté et de Richesse. Ne demandez pas maintenant pourquoi l’on représente l’Amour enfant ; mais jugez-en plutôt par cet enfant de Michel-Ange, qui, de ce beau mouvement tient et entoure en sa mère tout ce qu’il sait et tout ce qu’il saura. Ce que j’ai voulu montrer à vous, puisque vous le saviez, c’est que celui qui n’est point dans l’état d’aimer n’est point non plus dans l’état de connaître, et que le corps humain, image de l’esprit, est ainsi fait qu’il doit d’abord chanter juste, avant de découvrir quelque digne objet de son chant ; c’est pourquoi la poésie fut avant la prose, la religion avant la science, et le mage avant le chirurgien.

Le poète est plein d’amour, et en illumine les moindres choses ; c’est par là qu’il les voit