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Page:Alain - Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant, 1946.djvu/19

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POSITION DE SPINOZA

appeler à sa conscience, ce qui est la vraie manière de consulter Dieu. D’où est sortie une grande Raison, qui, par un effet imprévu, a justifié toutes les superstitions sauvages. Qu’est-ce enfin qu’une religion, sinon une pratique de sauvage, jointe aux divins raisonnements de Descartes ? Ici il n’y a rien à nier ; car les superstitions sont des faits de nature, comme la mémoire et la pesanteur ; et quant aux raisonnements de la théologie, ils sont assez solides pour consoler le sage des superstitions qu’il trouve en lui-même. En quoi Marc-Aurèle et Bossuet s’accordent. Kant ne nie pas ; il n’est attentif qu’à limiter les deux élans de l’imagination et de la raison, qui font souvent un dangereux mélange. Regardons bien ici ; nous disions notre raison et notre imagination ; ce sont comme des lunettes que nous ne pouvons ôter, et à travers lesquelles nous voyons toutes choses. En ce sens, nos certitudes peuvent être dites subjectives, et l’homme, comme disait Protagoras, est bien la mesure de toutes choses ; on pourrait dire « le mètre de toutes choses », c’est-à-dire ce qui permet de les évaluer.