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Page:Alain - Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant, 1946.djvu/71

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LE SALUT

est alors d’aller au paradis le plus vite. Aussi l’homme ne cherche pas à rester ici ; il espère la mort plus qu’il ne la craint. Et voilà la religion comme elle est. Toutefois la piété conseille de rester dans le poste où nous sommes, et elle conseille aussi de juger ce poste bon et agréable, autant qu’on peut. L’optimisme fait partie du devoir, en ce sens que c’est croire en Dieu. Le pessimisme est l’esprit du diable, qui ne cesse d’user de cette liberté qui lui est promise. Cela fait une opinion publique qui est celle des grands curés. C’est qu’ils ont beaucoup confessé et beaucoup modéré les passions d’autrui. D’où il suit que le salut de l’humanité est difficile, même pour Dieu. Voilà pourtant ce qui occupe les hommes, non pas tant de savoir s’ils seront sauvés, mais encore si Dieu triomphera, ou si le monde terrestre durera encore des siècles. Bossuet posait ainsi la question, expliquant au Grand Roi qu’il était responsable du salut de ses sujets.

On serait révolté de cette multitude de morts qui nous a précédés, si l’on ne se disait pas qu’ils sont sauvés. Torquemada,