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Page:Alain - Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant, 1946.djvu/78

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PHILOSOPHIE DE KANT

sans cesse, et recouvre en retour toute la science, toute la morale et toute la religion. Il est donc prudent de se rendre maître de ce Monde, qui devient presque Dieu, et comme l’Idole Essentielle.

Le panthéisme a toujours menacé la philosophie. Si, selon les vues géniales d’Aristote, le monde est lui-même un Vivant Éternel, si tout est finalité dans l’univers, encore faut-il échapper à l’argument ontologique, qui prétend prouver l’être par la perfection, et oser dire que tout existe en vue de l’homme, le seul être qui pense et qui s’élève jusqu’à la moralité ; cela certes est une preuve, mais qui ne vaut que pour l’homme moral, qui, parce qu’il conçoit la moralité, reconnaît au tout une valeur morale. Bien souvent Kant dirige sa pensée vers la grande énigme, vers l’histoire humaine, et recule devant les images de cette guerre universelle, qui nous apporte le progrès. Mais le progrès n’est-il pas alors déshonoré ? Kant se pose la question et s’impose de douter. C’est qu’il fut toujours l’homme de la paix perpétuelle, comme il juge de l’humanité toujours en Jacobin. Il faut