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Page:Alain - Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant, 1946.djvu/91

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L’APPARENCE

beau soit l’objet d’une satisfaction absolument désintéressée, cela veut dire que nul ne souhaite que le beau existe, ou appartienne au contemplateur. Au contraire, ce qui est beau, c’est purement l’apparence, c’est-à-dire ce qui paraît dans une conscience. Il s’agit donc à proprement parler du monde autant qu’il est représenté. Tel est le premier moment de l’analyse. Au second moment, se présente l’idée que le beau est ce qui plaît sans concept. Ce n’est pas la comparaison avec un idéal, qui fait que l’on juge belle l’apparence ; il n’y a point de modèle idéal du beau, mais chaque objet beau est absolument modèle. Ce qui est beau dans un visage, ce n’est pas la ressemblance à un visage parfait, dont nous aurions l’idée ; c’est, si l’on peut dire, une ressemblance à soi-même, ce qui ne peut s’entendre que d’une harmonie entre les parties et le tout. Il n’y a donc point d’objet qui soit beau en soi ; mais l’apparence est belle en soi ; cela veut dire que la réalité de l’apparence belle n’intéresse personne ; la beauté est phénomène absolument. Un portrait ne plaît pas par com-