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Page:Alain - Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant, 1946.djvu/92

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PHILOSOPHIE DE KANT

paraison avec le modèle, mais il est par lui-même ressemblant. Il révèle quelque chose ; le beau est la révélation. Chaque âge de la peinture a produit un modèle du beau, mais personne n’a pu copier ce modèle. De même, tout poète est l’inventeur d’une poésie qui ne peut être imitée, et qui pourtant sera imitée ; car il est vrai que, sans l’exemple d’un maître, nul homme n’oserait écrire en vers. La révélation se fait donc, comme disait Schelling, une seule fois. C’est dire que ce qui est révélé est éternel. Le troisième moment insiste, après cela, sur un beau paradoxe, c’est que le beau contient une finalité, mais sans aucune représentation de fin. Le beau est fait pour nous plaire, mais il est remarquable que la moindre marque de l’intention de plaire détruit le beau. D’où la nullité de l’ornement qui veut plaire, et, en revanche, la beauté des intervalles, qui ne veulent rien et ne disent rien. Rien n’est plus beau que la surface unie dans les bas-reliefs ; rien n’est plus beau que le silence dans la musique ; dans l’architecture, on voit qu’un mur tout nu est plus beau qu’un