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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/123

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XXXV

FRATERNITÉ DIFFICILE

Fraternels au dedans, vous l’êtes au dehors. Querelleurs et hargneux chez vous, vous l’êtes au dehors. Et ce n’est pas par le seul mot de république que vous aurez la paix comme par miracle. La fraternité est difficile de près. Si l’on ne surmonte point l’ardeur de mépriser et de soupçonner, on exportera la même colère et l’on refusera la paix. Alors il faudra se battre, c’est-à-dire obéir et mourir ; et ce sera justice. Car ces querelles entre nations, que l’on croit nées des intérêts contraires, sont bien plutôt des querelles d’honneur. Et l’antique coutume des duels subsiste encore toute. Si vous voulez insulter et défier, il faudra combattre un jour ou l’autre. Et ce même mépris de l’homme, vous le retrouverez parmi vous, d’après cette loi inéluctable, qui fait régner les mêmes maximes au dedans comme au dehors. En vain l’on essaie de nourrir l’amitié par la haine, et cela s’est appelé l’union sacrée. En réalité l’homme était méprisé et massacré ici comme là-bas. Quelle fraternité pouvez-vous supposer dans l’inflexible chef, qui lance ses hommes comme des bombes ? Ce n’est que matériel de guerre.

La paix suppose que l’on rend à l’homme son vrai prix. C’est exiger beaucoup de soi. Il faut déposer

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