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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/170

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

à nos pensées. Le moindre éclair de raison revient au contraire à chercher un meilleur arrangement de nos pensées, et d’abord à croire qu’un tel arrangement dépend de nous.

Dès qu’on a la foi, l’expérience répond. Un beau poème récité, lu, ou copié, changera aussitôt le paysage des pensées ; oui ; mais à condition qu’on se mette à réciter, à lire, à copier, avec assurance ; car un tel remède ne vaut rien si l’on croit, en l’essayant, qu’il ne vaut rien. À d’autres esprits, une bonne page de Marc-Aurèle ou de Spinoza donnera le même secours ; à d’autres un simple problème. Mais attention ; il ne faut pas retomber dans un problème forcé, c’est-à-dire qui s’impose ; au contraire il faut se donner librement un problème, et l’expérience même de la liberté est ce qui importe ici. Les jeux de combinaisons, surtout les plus frivoles, sont sans doute un très bon remède pour ceux qui pensent noir ; car un problème efface l’autre ; et aucun problème n’intéresse qu’autant qu’on le veut bien. Le jeu de cartes vaut beaucoup mieux que le jeu très sérieux des rois, dames et valets qui se joue et rejoue dans la tête ambitieuse.

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