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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/171

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XLIX

VERTU DU MATÉRIALISME

Le matérialisme est la partie difficile de la sagesse comme Descartes l’a vu. On sait qu’il passait bien plus de temps à lire dans un corps de veau chez les bouchers qu’à méditer sur la métaphysique. C’est que la métaphysique est promptement comprise, si l’on s’y met ; la métaphysique c’est ce que nous jurons de vouloir, comme liberté, égalité, fraternité ; il n’y faut que du courage. Au lieu que la physique des passions est très rusée ; et c’est par un mécanisme à soubresauts que nous arrivons à égorger nos frères au nom de la fraternité elle-même. Il faut voir clair dans cette boîte à surprises qu’est le cœur humain. Et la première chose à voir, c’est que le cœur humain est un cœur, c’est-à-dire un muscle irritable. Matérialisme. Les passionnés n’aiment pas le matérialisme ; ils aiment mieux croire à leurs belles raisons.

Les Allemands réclament de petits avions, seulement défensifs ; ils savent pourtant bien que c’est comme rien contre un vol de nuit. Et nous, nous formons des oiseaux plus puissants, d’après cette belle idée que la menace de vengeance empêchera l’attaque, alors que c’est justement le contraire. Et je citerai plus d’une fois encore ce mot d’un artilleur

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