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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/197

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LVI

L’ÉCOLE DE LA LIBERTÉ

Un pessimiste m’écrit sur la question des guerres imminentes ou possibles. Il est, lui, assez tranquille pour les quatre ans qui viennent. « C’est après ce temps-là que je croirais avoir à craindre. » J’enregistre, car c’est un homme de grand savoir, et dont le jugement compte beaucoup à mes yeux. Mais il se glisse de l’aigreur partout. Le voilà qui se moque des efforts des littérateurs, qui essaient (à mes yeux c’est courage) de changer l’histoire. Et pour finir il me donne une bonne volée de principes, comme d’autres donneraient de trique. « Nous ne sommes pas libres, poursuit-il ; nous ne pouvons que prendre conscience des lois nécessaires qui régissent aussi bien le tumulte humain que le tumulte marin. Comprendre et consentir, voilà l’esprit. »

Je salue ces principes, et aussi leurs contraires. Ce sont de vieux amis, que j’ai beaucoup pratiqués ; toutefois de loin et sans me laisser mordre. Pour commencer par la thèse aujourd’hui la plus populaire, cette thèse des lois et de l’homme-machine est proprement métaphysique. Elle est transposée de cette autre thèse que, tout étant su d’avance par Dieu, il est impossible de concevoir que l’action humaine change quelque chose au destin. Sous les

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