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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/261

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LXXV

LIBERTÉ N’EST QU’UNE IDÉE

La liberté n’est qu’une idée, de même que l’égalité n’est qu’une idée. Je veux dire que l’égalité n’est pas un fait, comme on peut le comprendre au premier examen ; il faut la vouloir ; et à cela se ramènent tous les devoirs envers le semblable. Mais le problème de la liberté est plus intime ; il ne concerne que moi. Il commande aussi tous les autres problèmes. Car si je ne me juge pas libre de vouloir l’égalité, il n’y aura jamais d’égalité. Il s’agit donc, sous le mot de liberté, d’un parti à prendre avec moi-même. Ici les arguments sont extrêmement faibles. C’est qu’il ne s’agit point de rechercher si je suis libre ou non, comme on recherche si j’ai une maladie ou non. Il y a un parti à prendre, et c’est le parti des partis. Je demande qu’on se familiarise avec un genre d’obscurité ; ce qu’il y a de sûr, c’est que les niaiseries de la grande mécanique ne suffisent pas.

Je considère maintenant la paresse scolaire, problème bien petit, mais bien proche. On peut soigner un paresseux comme on soigne un tuberculeux ; ce sont des cas extrêmes ; et nous nommerons avec raison arriéré celui dont l’activité intellectuelle est subordonnée aux soins du médecin.

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