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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/260

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

je sens très bien qu’impatience, tristesse, crainte du long hiver sont comme un espoir de malheur et déjà un mauvais frisson avant le froid. Je me mets en place pour souffrir. Je fuis. Comme Socrate remarquait, ce n’est pas une bonne manœuvre de guerre que montrer le dos. Et cette respiration raccourcie, cette fuite du sang, ce gel anticipé des muscles, n’est-ce pas rhume par persuasion ? Le soldat a supporté la pluie et les vêtements mouillés, jusqu’à s’étonner lui-même. C’est qu’il craignait d’autres maux. Et, pour la maladie, quelquefois il l’espérait, il donnait cette permission à son courage. Aussi, il se trouvait disposé le mieux contre pluie et froid. Le Besoukhov de Tolstoï s’en va répétant : « Tombe, bonne pluie, mouille-moi bien ». Ami des choses, et confiant en ce monde. Tel est le vrai de la prière.

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