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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/265

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ne pas choisir

toutes ces pendeloques qui commémorent nos choix. Cela n’est pas de nous. Regardez deux prêtres, deux juges, deux gendarmes, comme ils diffèrent par la charpente, les os de la face, les yeux, les cheveux, l’inévitable expression. C’est par quoi, direz-vous, nous sommes encore tenus, et de plus près. C’est, il est vrai, un autre costume, que nous n’avons pas choisi, que nous ne pouvons jeter. Mais c’est décrire la force en langage de faiblesse. Un vivant est par lui-même un succès étonnant ; car ce grand univers n’a pas cessé de l’attaquer ; un vivant ne cesse de vaincre et de s’affirmer. Voilà ce que nous sommes premièrement, une victoire en marche. Le pensant, qui se sent et se connaît lui-même, est encore bien plus riche ; car la situation difficile, et l’obstacle infranchissable, on peut encore les connaître ; la connaissance va jusqu’à la lune, jusqu’au soleil, jusqu’aux étoiles inaccessibles ; et même cette connaissance de choses si lointaines règle nos actions, par une détermination précise des temps et des lieux.

Ces ressources de vie et de pensée sont encore peu en comparaison du vouloir, pourvu qu’il redescende de ses vues chimériques à la situation réelle, et à ce qui est commencé. Tout est commencé, nous n’avons qu’à continuer. Que chacun se prenne au point où il est, dans le mouvement qu’il va faire. Le point où il est arrivé, chacun peut le connaître mieux par un mouvement d’attention. Le mouvement qu’il va faire, par la nature, par le besoin, par la coutume, chacun peut le faire mieux par un mou-