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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/266

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minerve ou de la sagesse

vement de volonté. Songez-y, la volonté n’a absolument aucune prise hors de la situation présente, et de ce pas que vous allez faire ; toutes les résolutions pour l’avenir sont imaginaires. Continue ce que tu fais, mais mieux. Tu n’as point le choix. Partant de la présente situation, il faut ou suivre le besoin, ou suivre la coutume, ou vouloir ce qu’on va faire, et le changer par là. Ce que je ferai dépend de ce que je fais. L’action compte double ; elle change la situation ; elle me change moi-même. Le bûcheron fend l’arbre et se fait des bras.

Il n’y a qu’un mieux pour chacun, c’est de faire mieux par volonté ce qu’il allait faire par nécessité et mal. Le pilote ne se dit point qu’il aurait dû ne pas partir, ou prendre une autre route ; mais, de la route qu’il a prise, il veut faire la bonne route. N’ayant plus à choisir, sinon entre vouloir et subir, il veut, afin que le choix soit bon. De même un enfant, qui est né tel, il faut l’élever selon sa nature, au lieu de vouloir follement qu’il soit autre. Et chacun est pour lui-même comme un enfant qu’il a, et qu’il n’a point choisi, qu’il doit prendre d’abord comme il est, et conduire pour le mieux, partant de là. De même un ami, une femme, un métier. Tout est mauvais si l’on laisse aller ; il faut donc vouloir, ce qui est espérer et aimer. Il faut vouloir ce qu’on fait, aimer ce qu’on fait.