Aller au contenu

Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
MINERVE OU DE LA SAGESSE

aisément je suppose en lui quelque obstination diabolique. Le fanatisme est la plus redoutable des passions ; mais il faut dire aussi qu’il y a du fanatisme dans toutes les passions. Chacun cherche l’esprit en l’autre, l’approbation en l’autre ; et l’autre, ainsi promu à la dignité de juge, use de ce pouvoir royal. Deux rois, deux prétentions égales, cela veut du sang. La fureur politique ne repose point sur les intérêts ; au contraire, le jeu des intérêts apaise les passions, comme fait le jeu de cartes. Mais chacun propose une opinion qu’il juge vraie ; ainsi chacun joue sa couronne. Le point douloureux, le point de dispute et d’irritation, c’est la pensée ; car c’est la plus haute prétention ; mieux, c’est la seule. L’injustice blesse la raison bien plutôt que la bourse. Tous voudraient nier cela ; c’est que l’offensé veut encore faire croire qu’il n’est pas offensé. Colère rentrée n’en est que plus vive.

— 294 —