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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/42

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

dire se réveille plus maniable après le repos qui suit l’exercice. Et c’est pourquoi je crois aisément que j’ai appris en dormant, que j’ai travaillé en dormant, ou, en d’autres termes, que j’ai pensé sans y penser. Mythologie à mes yeux, si je rapproche ce genre d’illusion de celles qui ont trompé l’enfance de chacun de nous et les peuples enfants. La grande affaire est d’être maître de son propre animal, et d’être assuré qu’on en est le maître ; et l’on jugera aisément, quelque difficile que soit ce sujet-ci, quelles sont les conceptions directrices qui ont de l’avenir, et quelles sont celles qui n’en ont point.

Je veux que toute connaissance soit cernée d’entendement ; cette précaution fait la connaissance ; elle nous élève au difficile degré où le savoir est devoir, où compte surtout, dans la recherche du vrai, ce que l’esprit se doit à lui-même. En cherchant par là, en dressant cette sévérité trop peu connue, on dessinera à peu près ce que c’est qu’une conscience intellectuelle. Le fameux Poincaré lui-même hésitait beaucoup à chercher les raisons d’entendement d’une de ses grandes découvertes. Il préférait, je le voyais bien, être la Pythie de lui-même, c’est-à-dire penser comme font les poètes, par la faveur d’Apollon.

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