Aller au contenu

Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

XII

LE VRAI SAVOIR

On parle d’instruction, de réflexion, de culture ; on annonce que cela changera tout ; on remarque que cela ne change rien. En réalité, il s’exerce une pression continue et fort habilement dirigée contre l’esprit. Il y a une manière d’enseigner, que ce soit science, ou langues, ou histoire, qui va obstinément contre l’esprit. L’ancien apprentissage, qui n’est qu’esclavage, revient partout, sous les dehors du savoir technique. En bref, je dis que l’esprit n’a rien fait encore ; mais c’est qu’il n’est pas éveillé encore. Nous vénérons un entassement d’énormes pierres, et les vrais croyants apportent chaque jour une pierre de plus. Tel est le tombeau de Descartes.

Il faudrait oser ; on n’ose point. Mais sait-on bien ? La doctrine du libre jugement est profondément enterrée. Je ne vois guère que des croyants. Ils ont bien ce scrupule, de ne croire que ce qui est vrai ; mais ce que l’on croit n’est jamais vrai. La pensée s’éveille un peu, tâtonne un peu et tombe dans l’être ; soudain, elle est chose et traitée comme chose. Imaginez un écolier qui cherche une solution, que ce soit un nombre, ou une construction géométrique, ou la traduction d’un vers latin ou d’un vers anglais. Il la cherche, et c’est un malaise