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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/9

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AVANT-PROPOS

Comme je relisais les Propos, non encore parus en recueils, qui étaient capables de rendre l’équilibre à l’esprit effarouché par les thèses et les discussions, j’apercevais une sorte d’ordre dans les difficultés comme dans les solutions. Car les difficultés de l’esprit viennent communément de la contrariété qui se trouve entre les idées. Il importe donc premièrement d’être familier avec les inconvénients de penser. C’est un air qu’il faut respirer. C’est l’air platonicien. Mais tout n’est pas fini lorsque l’on a formé un système d’idées cohérent, car il arrive qu’on ne trouve point alors l’objet qui s’y conforme ; et ici il faut faire mieux que s’y résigner ; car c’est la règle et c’est un bienfait. Le secours que nous apportent les choses est qu’elles ne sont point raisonnables. On se plaît à la fin aux résistances de l’objet qui rendent ingénieux et nous somment de compléter nos idées.

Cette adaptation de la pensée à l’action est un univers qu’il faut parcourir ; il faut savoir s’étonner, et quelquefois découvrir le pourquoi de l’étonnement. On gagne beaucoup si l’on découvre qu’une idée qui semblait facile à ruiner se justifie finalement.

Par ces lectures, qui sont des exercices, on se donnera la part de doute qui convient à l’homme libre.