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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/10

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du simple soldat, telle qu’elle est partout. On sait qu’il n’était point beau à première vue. L’illustre nez camus figure encore dans les exemples d’Aristote. Dans les plis de cette face, je vois de la naïveté, de l’étonnement, une amitié à tous offerte, enfin ce que la politesse efface d’abord. On sait par mille détails que Socrate était patient, résistant, infatigable, et qu’il n’était point bâti pour craindre. Sobre ou bon convive selon l’occasion, et ne faisant point attention à ces choses. D’où l’on comprend une simplicité, une familiarité, une indifférence à l’opinion, aux dignités et aux respects, dont on n’a peut-être pas vu d’autre exemple. Il ne se gardait jamais ; il ne prétendait point ; ses célèbres ruses ne sont pas des ruses ; nous connaîtrons les admirables ruses de Platon. Socrate ne composait point. Les précieux de ce temps-là lui faisaient reproche de ces cordonniers, de ces tisserands, de ces cuisiniers, de ces cuillers de bois, qui toujours revenaient dans ses discours. Le Phèdre nous donne une idée de la poésie propre à cet homme sans élégance. Assurément ce n’est pas peu. Mais