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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/11

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concevez ce poète les pieds dans l’eau, enivré de parfums, de lumière, des bruits de nature, et formant de son corps noueux le cortège des Centaures et des Œgipans. Mythologie immédiate, et qui fut sans paroles, dans ce moment sublime où le parfait discours du rhéteur roula dans l’herbe, où le jeune Phèdre, tout admirant, participa à ce grand baptême du fils de la terre. Cette rustique poésie fut alors muette ; mais Platon, dans l’immortel Phèdre, en a approché par le discours autant qu’il se peut. Ô douce amitié, toute de pensée, et presque sans pensée ! Ce sublime silence, Platon s’en est approché, plus d’une fois approché, en ces mythes fameux qui ne disent mot. Il le contourne ; il en saisit la forme extérieure ; et lui, le fils du discours, alors, en ces divins passages, il raconte, il n’explique jamais, tout religieux devant l’existence, évoquant ce génie de la terre et cette inexplicable amitié. Nulle existence ne fut plus paisible et amie de toutes choses que Socrate. Nulle ne fut plus amie au petit esclave, au jeune maître, à l’homme de commerce et de voyage, au guerrier, au