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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/100

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c’est imiter du Démiurge ce que très justement il n’a point fait. C’est erreur d’imagination, erreur de poète. C’est croire que le destin sera meilleur demain qu’il ne fut hier. Mais le destin est immuable, comme ces immobiles mouvements du Timée nous le font entendre ; et c’est parce que le destin est immuable que notre sort dépend de nous. Socrate se taisait ; mais il sut oser ; il sut obéir ; il sut mourir. Peut-être ne fit-il qu’une seule métaphore, lorsqu’il demanda si l’on pouvait faire libation de la coupe funèbre, et que cela lui fut refusé. Ces traits ne s’inventent point. N’est-ce pas ici le même homme qui, dans sa prison, apprenait à jouer de la lyre ? « Pourquoi, demande le geôlier, pourquoi veux-tu apprendre à jouer de la lyre, puisque tu vas mourir ? » — « Mais, répondit-il, pour savoir jouer de la lyre avant de mourir. » Cette confiance inexprimable, qui est la vie même en sa naïveté, en sa renaissance, Platon, éternel disciple, sut l’exprimer dans le langage du corps, qui ne trompe point, mais qui n’instruit aussi que par une pieuse imitation. L’espérance n’est