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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/99

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des hommes détruit et dévore, et ne peut même se délivrer du plaisir, moins incommode que la douleur, mais plus humiliant quelquefois. Heureux peut-être celui qui ne trouve pas trop de plaisir à redescendre. Heureux celui qui est d’abord puni. Mais, comme disait Socrate, ce sera donc toujours à recommencer ?

Tout recommence ; tout fut plus beau ; tout fut pire. Toutes les vertus ont fleuri : toutes les fautes sont faites. Mais l’oubli, cette mort, recouvre nos expériences. Aussi l’on voit les âmes du Gorgias, sur le chemin de l’épreuve, tristes, et portant leur condamnation écrite sur leur dos ; ainsi chacun juge son voisin. Cette sorte de lumière traversante, sans aucune preuve, est propre à Platon. Je vois Socrate plus raisonneur, plus près de terre, plus sévère aussi. Il me semble que l’âme hautaine de Platon se pardonnait plus de choses. Et n’est-il pas vrai aussi qu’il fut trompé jusqu’à l’extrême vieillesse, formant l’espoir encore de sauver les hommes malgré eux et par la force des lois ? C’est compter trop sur le Démiurge, ou plutôt