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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/102

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ne sais pas ce que c’est qu’un pourquoi. Comme la chute n’est pas d’autrefois, mais de maintenant, le salut n’est pas de l’avenir, mais de maintenant ; et chaque minute suffit à qui pense, comme aussi des siècles sont néant à celui qui entasse. Ainsi, la mythologie se replie toute, du fond des âges et du fond des cieux, se replie toute sur la moindre de nos pensées. Ici, le Phédon ouvre ses profondeurs. Revivre encore ? Risque. Beau risque. Mais qu’y fait la durée ? Ne revis-tu pas maintenant de ton sommeil ? Ne revis-tu pas assez, puisque c’est maintenant ? Et qu’as-tu affaire de cet avenir qui n’est point ? Où l’éternel mieux que dans une pensée ? Autant vaudrait attendre au lendemain d’être sage, et de savoir, et de pouvoir. Qu’est-ce que savoir demain ? Qu’est-ce que pouvoir demain ? Socrate, apprends la musique.

Il n’y a point de pensée au monde qui soit aussi positive, aussi pressante, aussi adhérente à la situation humaine que celle de Platon. Tel est le poids de Socrate à cet esprit naturellement ailé, de Socrate, si direc-