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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/103

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tement attaché à vivre en chaque moment, à s’éveiller et à se sauver en chaque moment. Il est vrai aussi que, par le bonheur d’ajourner, qui est propre à l’imagination, les heureuses pensées de notre poète se projettent dans le temps, ombres sur ombre. Ainsi le progrès se développe dans un avenir immense et sans fin, où mille ans sont comme un instant. À cet avenir répond un passé sans commencement, et ce peuple des âmes, qui retrouve en chaque incarnation toutes ses pensées sans le souvenir. Contes ? Le difficile est de dire où commence le conte ; car on ne peut méconnaître, dans le Phédon, un effort suivi en vue de donner au conte la consistance d’une pensée. C’est le seul cas, il me semble, dans tout Platon, où, au lieu de chercher sans trouver, on pose d’abord, au contraire, ce que l’on veut prouver, et l’on en cherche les preuves. Il est vrai aussi que tout tremble un peu dans le Phédon. Non que Socrate ait peur ; mais tous ces hommes sont comme accrochés à lui. Eux, ils risquent maintenant de mourir. C’est pourquoi l’espérance accourt des temps pas-